Voilà qu’aujourd’hui, tout le monde proclame "Je suis Charlie", alors que la plupart des gens ne le lisait pas, ne savaient pas, ne comprenaient pas ce qu’avait vraiment été Charlie-Hebdo à une époque aujourd’hui révolue.
En 1981, faute de lecteurs, Charlie-Hebdo 1ère génération (né après l’interdiction d’Hara-Kiri censuré en novembre 1970, suite à leur "Une" Bal tragique à Colombey = 1 mort met la clef sous la porte. Il sera ressuscité en 1992, avec Philippe Val à sa tête et les anciens (Cavanna, Cabu, Gébé, Siné, Wolinski) et des nouveaux (Charb, Luz, Riss, Tignous...). Il baptisent leur maison d’édition "Editions Kalachnikov"... Renaud participe au financement.
En 2008, une crise oppose la rédaction quand Val décide d’éjecter Siné... Val est devenu le "patron" de Charlie et ses positions pro européennes et atlantistes (néo-con diront certains) ne sont pas toujours en phase avec les vieux anars historiques de la rédaction...
Val quittera ensuite Charlie pour aller faire le patron à Radio-France où là aussi, il ne se fait pas que des amis. L’ancien chansonnier gauchiste du duo "Font et Val" est devenu un ponte de l’intelligentsia parisienne en vue dans les salons, notamment ceux d’une certaine Mme Bruni-Sarkozy.
Quand éclate l’affaire des "caricatures", Charlie (devenu "Editions
rotatives") a déjà perdu pas mal de lecteurs, dont de nombreux abonnés qui n’ont pas digéré l’éjection de Siné ni les positions d’un Val considéré comme de moins en moins libertaire et de plus en plus libéral.
Pendant ce temps, Charlie reste le plus souvent ignoré de ses confrères de la sphère médiatique et est rarement cité dans les revues de presse, sauf pour les traiter d’irresponsables et de fouteurs de merde quand leurs caricatures font le buzz et affolent les porteurs de soutanes...
Ces mêmes journalistes qui affichent aujourd’hui le "je suis Charlie" et leur désolation de circonstance. Quant aux politiques et leurs larmes de crocodiles (surtout à droite) qu’on a vu se bousculer à la télé ces derniers jours, ce sont souvent les descendants directs de ceux qui avaient fait censurer Hara-kiri et qui s’étaient frottés les mains en regardant Charlie crever dans les années 70-80.
Ces derniers mois Charlie-Hebdo stagnait en-dessous de son seuil de rentabilité et l’avenir était morose. Un appel aux dons n’avait pas permis de recueillir de quoi renflouer le journal.
Et là, balles tragiques à Charlie-Hebdo, 12 morts ! Les dingues à Kalach viennent brutalement de régler leurs problèmes de masse salariale en faisant aussi remonter les abonnements. (humour à la Hara-Kiri, je précise !)
Et moi, comme tant d’autres, je pleure surtout Cabu, Wolin’, Tignous, Charb, Honoré et Oncle Bernard parce qu’ils ne dessineront et n’écriront plus pour dénoncer toutes ces hypocrisies.
Tachons de garder une analyse critique et distanciée sur ces événements quand l’émotion légitime nous submerge. Cette émotion, ceux qui sont morts s’en seraient moqués avec une grande férocité. Et les grandes messes de compassion, c’est pas vraiment mon truc...
J’irai demain au rassemblement pour faire nombre, mais ensuite, je ne suis pas sûr d’avoir envie de défiler dans un cortège où se feront voir des politiciens, des pipoles et même des chefs d’état. Leur présence, c’est les premiers clous dans le cercueil des victimes !
Ni dieu, ni maître et vive le dessin de presse !
Marco